Entrainement

S’entraîner à la kenyane en hiver !

Par La Rédaction , le 2 novembre 2016 - 5 minutes de lecture

Le Kenya.

Sa terre cruentée qui rougit les chaussures. Ses crépuscules qui enflamment l’horizon. Ses hauts plateaux où les habitants naissent avec la course à pied dans le sang.

Pour tout passionné d’athlétisme, le Kenya est une terre promise, là où les meilleurs fondeurs s’entraînent avec autant de naturel que d’acharnement.

La domination sportive des Kenyans fascine tant que le jargon de la course à pied intègre depuis longtemps l’expression « à la kenyane ».

Pour dépasser les fantasmes et réellement comprendre comment s’entraînent les meilleurs mondiaux, on n’hésite plus désormais à poser le pied sur cette terre rouge.

Adharanand Finn l’a fait puis il a raconté son expérience dans son ouvrage Courir avec les Kenyans paru en 2012, tandis que Bob Tahri multiplie les stages auprès de ses camarades et rivaux africains.

S’entraîner en déficit glucidique

Mais s’entraîner à la kenyane n’est pas accessible au premier venu.

Pourquoi ?

Tout simplement parce que les charges d’entraînement et la disponibilité nécessaire exigent de se consacrer corps et âme à la course à pied.

En revanche,

S’inspirer des méthodes kenyanes peut se révéler profitable, que l’on soit débutant ou chevronné. L’une des caractéristiques de la pratique kenyane consiste à s’entraîner en déficit glucidique, autrement dit en puisant dans les réserves de glycogène : en courant le matin à jeun et en multipliant les entraînements (une sortie tôt le matin et un entraînement dans la journée).

« Au Kenya, l’entraînement à jeun se justifie avant tout par le climat : courir avant le lever du soleil permet de profiter de conditions plus clémentes pour faire des sessions longues », explique Bob Tahri. « Courir à jeun est aussi une manière de préparer le corps à fournir un effort en déficit de forces et d’apports énergétiques, mais je ne suis pas sûr que la pensée des Kenyans soit centrée sur les effets physiologiques de cette pratique. Ils s’adaptent avant tout aux conditions climatiques. »

Dans nos contrées tempérées, et surtout l’hiver, s’entraîner à jeun le matin ne répond pas à des exigences météorologiques mais plutôt à des objectifs physiologiques qui diffèrent selon le niveau du coureur :

  • Le coureur chevronné peut s’affûter en s’entraînant à l’aube
  • Le runner moyen ou débutant peut perdre du poids
  • L’adepte des ultras cherche à adapter son corps à l’effort de très longue durée.

« Taper dans les graisses »

Les vertus de l’entraînement à jeun ont été maintes fois soulignées : en courant le ventre vide, on puise dans les graisses immédiatement puisque l’organisme ne dispose pas des apports énergétiques fournis par un récent repas.

Intérêts ?

La perte de poids est facilitée, l’affûtage est plus rapide. « Je m’entraîne à jeun tous les jours. J’ai plus de fraîcheur physique à ce moment-là de la journée, je tape dans les graisses tout de suite et je peux m’affûter plus vite. Mais je le fais parce que je me connais bien », confie Bob Tahri.

Philippe Rémond, marathonien et ambassadeur marathon à la Fédération Française d’Athlétisme, estime que « les séances de fractionné à jeun s’adressent uniquement aux initiés, les débutants et coureurs moyens devant seulement faire des footings dans ces conditions. »

Pourquoi ?

« Parce que courir à jeun met l’organisme à rude épreuve. Toutefois, si l’on se contente de faire des sorties à allure modérée, on prend peu de risques », poursuit Philippe Rémond.

Se rapprocher des conditions de compétition

Selon le niveau du coureur, l’objectif de l’entraînement en déficit glucidique diffère sensiblement.

Si certains visent avant tout la perte du poids, les coureurs chevronnés et les adeptes de l’ultra cherchent à se rapprocher des conditions de compétition. « L’entraînement à jeun crée un déséquilibre proche de celui que l’on vit pendant une course », explique Bob Tahri.

Pour l’ultra fondeur, c’est non seulement la sortie à jeun mais aussi l’entraînement bi-quotidien qui permettent de se préparer à l’épreuve.

Pour Jacques Peyrard, manager du team trail New Balance, l’entraînement à la kenyane « joue sur l’effet 6 heures et permet de repousser le phénomène de panne lié à l’épuisement des réserves de glycogène. » En courant sans apports énergétiques le matin et en enchaînant avec un entraînement l’après-midi, l’organisme s’adapte au déficit glucidique en apprenant à utiliser en priorité les réserves de graisses afin d’économiser le glycogène.

Sur une épreuve de 100 km route ou sur un ultra trail, les apports de la méthode kenyane sont donc indéniables. « L’entraînement en altitude, comme le font les Kenyans qui évoluent sur les hauts plateaux, à 2500 m, est également intéressant pour les coureurs d’ultra. Choisir des terrains vallonnés, comme ceux où évoluent les Kenyans, permet aussi de préparer ce type d’épreuve », ajoute Bob Tahri.

Bien qu’il s’envole régulièrement pour les hauts plateaux à la terre rouge, le recordman d’Europe du 3000 m steeple invite les coureurs à la prudence. « Il faut faire la différence entre s’entraîner dur et s’entraîner bien. Nous ne sommes pas au Kenya et nous ne sommes pas des kenyans. Il faut tenir compte du mode de vie européen et, surtout, ne jamais oublier que le secret pour progresser, quel que soit son niveau, est simple : courir. »

S’entraîner à la kenyane : les 3 conseils de Bob Tahri

Nécessaire : bien se connaître


« Bien se connaître, savoir comment réagit son corps, ce n’est pas donné à tout le monde. Courir à jeun le matin, c’est prendre un risque par rapport à sa santé car ce type d’effort est agressif physiquement. Il faut donc maîtriser cette pratique pour en tirer de réels bénéfices. »

Indispensable : s’hydrater

« Les Kenyans se nourrissent avec les aliments dont ils disposent. Ils mangent beaucoup de riz et d’ugali (aliment de base au Kenya constitué de farine de maïs, ndlr). Leur alimentation est propice aux sports d’endurance mais elle n’est pas au cœur de leurs préoccupations. Le paramètre le plus important reste l’hydratation : pour bien courir, il faut bien boire. »

Prioritaire : s’entraîner

« En Europe, je pense que nous sommes trop centrés sur le superflu au détriment de l’essentiel. Il n’y a pas de secret, y compris au Kenya : il faut avant tout s’entraîner. »

Vous aussi, inspirez-vous de l’entraînement à la kenyane !

Vous voulez perdre du poids

Une à deux fois par semaine, un footing à allure modérée à jeun le matin. De retour à la maison, prenez un petit déjeuner normal (ne vous goinfrez pas !).

Vous cherchez à vous affûter

Une à deux fois par semaine, une séance de fractionné à jeun mais uniquement de type VMA courte (fractions de 300 ou 400 m maximum). Attention ! Ces séances à jeun s’adressent seulement aux coureurs chevronnés ! Ne faites ni fartlek ni VMA longue et restez très vigilant car ce type d’entraînement maltraite l’organisme (risques de blessures et de carences).

Vous préparez un 100 km ou un ultra trail

Pratiquez l’entraînement bi-quotidien de type kenyan, par exemple sur une semaine :

  • lundi : footing de 15 km à jeun + 15 km à allure soutenue l’après-midi
  • mardi : réveil musculaire à jeun (30’) + séance de VMA l’après-midi
  • mercredi : réveil musculaire à jeun (45’) + séance à allure spécifique l’après-midi
  • jeudi : réveil musculaire à jeun (45’) + séance longue l’après-midi
  • vendredi : repos
  • samedi : sortie au seuil (1h30)
  • dimanche : sortie de 30 km minimum, à jeun pendant 1h30 puis en s’alimentant

« L’alimentation n’est pas forcément déterminante, comme l’illustre l’exemple kenyan. En revanche, l’hydratation est primordiale. » (Bob Tahri)

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