Forme et bien-être

Le pied, une mécanique de précision

Par gmartine , le 2 novembre 2016 - 4 minutes de lecture

Pour le coureur, tout part du pied. Cet élément moteur dans le déroulement de la foulée est le siège de nombreuses contraintes. Il est donc essentiel de le décrypter pour mieux le protéger.

Avec ses vingt-huit os, cinquante-sept articulations et vingt-neuf muscles, le pied assure de multiples fonctions. Il nous permet d’aller vers l’avant, mais aussi – on y pense moins – de freiner, pour éviter notamment le basculement du poids du corps et donc la chute.

En course, c’est le pied qui lance la foulée en attaquant d’abord le sol avec la partie extérieure du talon (en supination, avec un angle d’environ 6 à 7 degrés), puis avec sa partie intérieure (en pronation, avec un angle d’environ 11 degrés). Ce passage de l’extérieur à l’intérieur permet un transfert d’appui vers l’avant-pied et, par conséquent, des forces mieux réparties et une meilleure absorption des chocs.

S’ensuit une phase dite de support quand le bassin se met à progresser vers l’avant. La zone d’appui du pied passe alors du bord externe vers l’avant du pied, de la cinquième tête métatarsienne vers la première. Les coussinets adipeux sous-métatarsiens assurent un rôle de transmission des contraintes. Et les muscles s’insérant sur la fibula (os formant avec le tibia le squelette de la jambe) luttent contre la pesanteur et l’effondrement.

Le pied avance alors dans la chaussure. Le poids passe en avant du centre de pression. Le talon se décolle par le bord externe et l’énergie emmagasinée par le tendon d’Achille est alors restituée. C’est la phase de propulsion. L’appui est transféré sur l’avant du pied. Les muscles fléchisseurs des orteils appuient efficacement les orteils au sol (principalement les premier et deuxième orteils) et tendent l’aponévrose plantaire (la membrane fibreuse sous la voûte plantaire), rigidifiant le pied et favorisant le basculement. Durant cette dernière phase, la jambe opposée au pied d’appui passe devant et renforce les contraintes de cisaillement sur l’avant-pied.

A l’impact au sol, un poids énorme à absorber

La mécanique du pied durant la course est un phénomène plus complexe qu’il n’y paraît. Les fonctions d’amorti et de stabilisation du pied sont essentielles (c’est pourquoi des chaussures trop amortissantes ne sont pas conseillées pour le coureur car elles provoquent une instabilité et diminue le rôle fonctionnel du pied). Au moment de l’impact au sol, le pied d’appui reçoit en effet deux et demi à trois fois le poids du corps. Un impact qui est progressivement absorbé par le tendon calcanéen et l’aponévrose plantaire, mais qui, au vu de son intensité, peut expliquer le nombre important de pathologies chez le coureur à pied.

La peau et les capitons graisseux plantaires jouent également un rôle important. Tout comme l’arche externe sollicitée par la supination du pied après l’attaque du talon et qui favorise la dispersion des contraintes. Et l’arche interne qui, par ses muscles et son système ligamentaire puissant, assure la dynamique du mouvement. Quant à la stabilisation du pied (et a fortiori celle du corps dans le mouvement), elle est garantie par la forme de ses os, de ses ligaments et de ses muscles, eux-mêmes régulés par le contrôle postural (proprioceptif).

En course à pied, la phase d’appui correspond à seulement 40 % de l’ensemble du cycle (c’est-à-dire du mouvement entier). Un pourcentage qui diminue avec l’augmentation de la vitesse et qui, chez les sprinters en compétition, chute même à 25 %. Même s’il ne reste pas longtemps au sol, le pied subit des contraintes fortes, et ce d’autant plus que la vitesse est rapide.

En déplaçant les zones d’appui vers l’avant-pied, on augmente les contraintes mécaniques et les problèmes de stabilité, les forces s’appliquant sur des surfaces restreintes diminuant l’amortissement pour un temps de contact plus court. Apparaissent alors des contraintes sur la voûte plantaire et une augmentation des pressions sur le talon et l’avant-pied. D’où l’importance de porter des chaussures qui ne soient pas traumatisantes.

Des chaussures pour amortir, mais pas trop

Il faut choisir ses runnings en fonction du morphotype de son pied (normal, plat ou creux), de sa manière de courir (tendance universelle, pronatrice ou supinatrice), de sa technique de course, du type de surface (piste, route, nature, etc.), mais également de son niveau de course. Il faut différencier le coureur débutant ayant une attaque plus postérieure du coureur ayant une foulée expérimentée et du compétiteur qui attaquera davantage sur le médio-pied voire l’avant-pied. Un critère qui relativise la notion de chaussure antipronation ou antisupination.

Le confort est un autre élément qui régira la performance du coureur (en influant sur sa consommation d’oxygène), à condition d’avoir un chaussant qui ne soit ni trop amortissant, ni trop haut sur l’arrière. L’amorti ne doit pas être trop important, sous peine de modifier et d’entraver le bon fonctionnement des capteurs podaux – très sensitifs – et de provoquer une altération des actions musculaires et une diminution de la proprioception. Le sur-amortissement conduira même à une diminution progressive de notre capacité naturelle à amortir.

L’amorti technique a pour effet de diminuer la force propulsive de l’avant-pied et d’amplifier les contraintes mécaniques internes, favorisant ainsi le risque de blessure. En éloignant le talon du sol (avec une épaisseur postérieure de semelle importante et un drop élevé), on accentue le levier entre l’attaque postérieure et la phase de propulsion.

Et on favorise les instabilités. Le système vestibulaire (principal système sensoriel de la perception du mouvement), qui contrôle l’équilibre, se trouve perturbé par la diminution de la proprioception. En recherchant un maximum d’amorti, voire en ajoutant des inserts de stabilisation, on augmente également le poids de ses chaussures et donc sa consommation énergétique, ce qui n’est pas l’objectif. Les chaussures minimalistes, aujourd’hui très tendance, ont pris le parti de lutter contre ces phénomènes. Reste encore à trouver le bon dosage entre équilibre et amorti.

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